Cahiers Victor Segalen, n° 4, Traces alternées de Victor Segalen. Une exploration de sa correspondance (1893-1919)
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« Paroles d’un croyant » : les Lettres de Bordeaux
Cet article analyse la place immense faite à l’Église catholique dans les lettres écrites par Victor Segalen à ses parents lorsqu’il était élève de l’École du Service de Santé des Armées de Bordeaux. Cette correspondance est équivoque, car Segalen, à Bordeaux, s’affranchit de son éducation chrétienne ; elle est aussi paradoxale car son œuvre, comme celle de Rimbaud, contient des textes violemment anticatholiques.
Letters from Bordeaux: “Words of a Believer”
Victor Segalen’s letters from Bordeaux to his family bear witness to the importance of the Catholic Church in the life of the young man when he studied at the School of the Health Service of the Army. But this correspondence is equivocal, because Segalen, as a student in Bordeaux, was beginning to reject his Christian education; it is also paradoxical because in his literary work, as in that of Rimbaud, there are many texts against catholicism.
Guermès, Sophie, « “Paroles d’un croyant” : les Lettres de Bordeaux », dans Guermès, Sophie et Postel, Philippe, Cahiers Victor Segalen, n° 4 : Traces alternées de Victor Segalen : une exploration de sa correspondance (1993-1919), 2021, page [En ligne], https://www.victorsegalen.org (jour, mois, année de la consultation par l’usager).
« Paroles d’un croyant » : les Lettres de Bordeaux
Sophie Guermès
Victor Segalen (1878-1919), dans Stèles[1] et Équipée, ne fait pas mystère de son aversion pour le christianisme. La première critique qu’il lui adresse, c’est d’être mensonger. Les croyants attendent « les temps bénis où la douleur recule » (OC, II : 44, Stèles, « Sur un hôte douteux[2] ») ; mais le Ciel reste « inconnaissable » (OC, II : 58, « Hommage à la raison »,). Quant au merveilleux chrétien, qu’il s’agisse de la virginité de Marie (OC, II : 46, « Éloge d’une Vierge occidentale ») ou des miracles (OC, II : 51, « Vision pieuse », 51), il le rejette. Sans nier l’existence de Jésus, fait historique incontestable, il refuse l’idée que Dieu se soit incarné dans un homme. D’autant plus que cette croyance est une source d’illusions ; elle apporte de faux espoirs : « Viennent ensuite des promesses : une incarnation ; un supplice ; une mort ; une résurrection. Or cela n’est pas bon à faire trop savoir aux hommes ». Dès lors, mieux vaut que « sans fruits ni disciples la Croyance Lumineuse meure en paix, obscurément » (OC, II : 47, « Religion lumineuse »). Segalen témoigne ici d’une double dette : à l’égard de Rimbaud (1854-1891), sur lequel il a écrit un essai, et à l’égard de Nietzsche (1844-1900, fils de pasteur), qui ont tous deux mené un combat très violent contre un christianisme considéré comme négation de l’élan vital et de la puissance. Rimbaud, dans « Les premières communions » apostrophe le Christ, « éternel voleur des énergies » (Rimbaud 1985 : 93), lui dénie tout pouvoir dans des poèmes satiriques intitulés « Proses évangéliques », et le remet en cause dans Une Saison en Enfer. Il avait reçu une éducation religieuse, sous la férule de sa mère ; un point que Segalen partage avec lui. Tous deux ont fait le procès des prêtres. Segalen l’ébauche dans Stèles (« Vision pieuse ») puis développe explicitement ses griefs dans le chapitre 22 d’Équipée. La critique des missionnaires était déjà présente dans Les Immémoriaux et les notes prises en Polynésie, où il assimilait la conversion à la phtisie, maladie contagieuse et mortelle. Dans les lettres qu’il adresse à sa femme en 1909, c’est d’abord, en bon disciple de Huysmans (1848-1907), le mauvais goût qu’il épingle : « L’Église est une monstruosité et les chants un coassement infernal. » (C, I : 868, 29 mai 1909) ; puis, lors de la relation de sa visite à l’évêque (qui facilitera parfois son séjour en Chine en contribuant à lui faire obtenir un poste fixe de médecin), il revient à une question essentielle : « Comment peut-on être catholique ! » (C, I : 906, à Yvonne, 29 juin 1909).
Au début du chapitre 22 d’Équipée, Segalen présente toutes les qualités que devraient posséder les missionnaires, ironiquement rebaptisés « apôtres », et dont ils sont dépourvus. Installés en Chine depuis le XVIe siècle, ils n’ont que très mollement combattu les autres croyances et, bien qu’ils aient réponse à tout, même à l’inexplicable, ils ont fait peu d’émules, comme si eux-mêmes n’avaient pas foi en la supériorité de l’évangile : « ici la doctrine paraît absente » (OC, II : 309). Mais le reproche le plus vif que leur adresse Segalen, c’est d’être, pour reprendre l’expression de Nietzsche, « humain (s), trop humain (s) ». Aucune spiritualité ne semble présider à leur action. À deux reprises, Segalen évoque même leurs entorses au vœu de chasteté ; ils sont également décrits comme avides de possessions matérielles, s’efforçant d’acquérir des terres au lieu de conquérir les âmes. « Où est le divin ? », se demande Segalen. « J’ai trouvé des hommes. » (OC, II : 310).
Mais l’ironie succède à la violence : car c’est bien elle qui dictait le chapitre 16, ayant pour objet un missionnaire supplicié. Toute la première partie reproduit le discours habituel tenu sur le culte des martyrs et la transcendance de l’âme sur le corps. Le vocabulaire, bien qu’évocateur, ne semble pas désigner une réalité répugnante car tout est pris dans une réflexion esthétique où sont évoqués Fra Angelico, des harpes, des ailes, les cieux… Segalen ne pardonne pas au christianisme d’avoir travesti l’atrocité du martyr sous une apparence lisse, d’avoir nié la corruption des chairs que le médecin qu’il est connaît bien : « Une Sainte doit être préservée, et toujours avant tout elle sera belle […] Sur ce corps miraculé les pires outrages, volontiers décrits, laissent peu de traces. » (OC, II : 291). Il ne croit pas au corps glorieux, et porte témoignage de la réalité, en décrivant crûment le cadavre d’un missionnaire assassiné[3], faisant en prose ce que Chassignet (1571-1635) dans son sonnet CXXV, puis Baudelaire (1821-1867), dans « Une charogne », avaient fait en vers, dans un but différent puisque, ici, il n’est pas question d’un memento mori.
Mon introduction a une fonction d’antithèse. Car ce dont je vais parler aujourd’hui est à l’opposé de ce que je viens de rappeler. Les lettres de jeunesse attestent en effet d’un Segalen non seulement croyant, du moins le prétend-il en écrivant à ses parents, mais extrêmement pratiquant, vivant ses années bordelaises presque exclusivement en milieu catholique, dans l’intimité de l’abbé Lelièvre. Peut-être est-il bon de rappeler que le premier sujet qu’il a envisagé pour sa thèse de médecine portait sur la double personnalité, et que, s’il ne l’a finalement pas choisi, il l’a repris d’une autre façon dans son essai Le Double Rimbaud. Quand on a lu les textes de Stèles et d’Équipée précédemment cités, qu’on connaît par ailleurs, grâce à d’autres lettres et aux enquêtes biographiques, la vie réelle de Segalen à Bordeaux, et qu’on découvre les lettres écrites à sa famille entre la fin du mois de septembre 1898 et la fin de sa scolarité à Santé Navale, la stupeur est immense. Pour reprendre une image employée dans les Stèles face au Nord, les tablettes de jade ne coïncident plus du tout.
J’ai fait référence, dans le titre de cet article, à un autre grand écrivain breton, Lamennais, qui fut aussi un grand épistolier ; les guillemets marquent une citation, mais aussi la distance ; car Segalen est-il encore croyant quand il part pour Bordeaux ? J’aurais pu, aussi bien, emprunter à Vincent Kaufmann le titre du livre qu’il a consacré aux correspondances littéraires : « L’équivoque épistolaire ».
La lettre du 28 décembre 1898, adressée à Émile Mignard, précise que c’est un Brestois, M. Eyness, « médecin de seconde classe », qui l’a recommandé auprès de l’abbé Lelièvre (C, I : 127). Celui-ci a un statut assez flou : Segalen le présente comme étant « presque l’aumônier attitré de l’école » (C, I : 92) ; il est, en tout cas, l’interlocuteur privilégié des parents du jeune homme[4], avec lesquels il entretient une correspondance depuis le début du séjour bordelais. Guidant l’étudiant dans la ville, il l’introduit aussi dans les maisons bourgeoises où de riches mariages peuvent se nouer ; « il me présentera à des familles “des boulevards”[5], suivant son expression » (C, I : 98) [6]. Segalen le voit d’abord plusieurs fois par semaine[7] sans qu’il soit jamais question, dans les lettres où il évoque leurs entrevues, de spiritualité : leurs relations sont mondaines. L’abbé le conseille aussi dans ses études : Segalen n’entreprend rien sans lui avoir demandé son avis[8]. Ainsi, lorsqu’il projette de passer également une licence de sciences naturelles : « J’en ai aussi parlé à l’abbé Lelièvre avec qui j’en recauserai Dimanche » (C, I : 113, à ses parents, 2 novembre 1898). Mais la correspondance révèle aussi l’étendue des liens du jeune homme avec le monde catholique. « J’ai déposé ma carte au secrétariat de l’évêché », écrit-il le 7 novembre 1898 (C, I : 101, à sa mère) ; il tente sans succès de voir un révérend qu’il semble très désireux de rencontrer, le Père Fabre (voir C, I : 102, à sa mère, 18 novembre 1898). Un dessin illustrant la lettre où il exprime ce souhait montre que la récente École principale du service de santé de la marine, surnommée Santé navale[9], jouxtait le Petit séminaire. Segalen se révèle aussi très fidèle aux prêtres brestois : « J’écrirai à M. Le Curé » (il s’agit de celui de l’église Saint-Martin, quartier de naissance de Segalen) « dès que j’aurai vu son “bon ami” le chanoine » (C, I : 97, à son père, 27 octobre 1898). Il demande à sa mère davantage de détails à propos du décès d’un professeur au collège des jésuites de Brest : « La lettre où tu m’annonçais la fin très prochaine […] du bon P. Bergeron n’était pas assez précise à ce sujet pour me permettre d’écrire au P. Le Floch » (C, I : 109, à sa mère, 26 novembre 1898) , qui dirigeait l’établissement. Il regrette également que personne n’ait pensé à voir le frère Duran, en montant « chez les Pères nous informer de l’heure du salut » (C, I : 99, à sa mère, 4 novembre 1898).
L’étudiant en médecine pratique assidûment, si l’on en croit ses lettres, et change régulièrement d’église : on pourrait parler de Divers par anticipation. Le 26 novembre, il informe sa famille de ses projets pour le lendemain : « Messe à Saint-Michel pour varier » (C, I : 110, à sa mère) : c’est l’une des églises les plus anciennes de Bordeaux) ; le 3 décembre, évoquant sa matinée : « À 9 h messe à l’église Sainte-Eulalie » (C, I : 114-5, à sa mère) : elle se situe assez loin de Saint-Michel, mais aussi de Santé Navale ; le 12 janvier 1899, il prévient sa mère : « J’ai assisté dimanche à la Messe de midi ½ à la cathédrale » (qui est également loin de Santé Navale) après être arrivé en retard à celle de 9 h. es-tu rassurée ? » (C, I : 135). Il lui rend compte régulièrement de sa piété effective (la religion est le sujet dominant des lettres de Bordeaux) et lui renvoie l’image d’un fils modèle :
Ne t’inquiète donc pas de mes exercices religieux. Ce n’est pas à 21 ans, quand on est responsable de sa conduite, qu’on néglige ces choses-là. Cet hiver, après une nuit de chorégraphie, je me suis pas mal de fois arraché du lit pour ne pas voler une minute de cette pauvre demi-heure de prière en action qu’est la messe… Dimanche dernier on est parti à 9 h, je n’avais donc aucune raison pour m’en dispenser. Il y a du reste une série de messes échelonnées de quart d’heure en ¼ d’heure et il est toujours facile d’en attraper une. (C, I : 203, 15 juin 1899).
On notera l’usage de ce verbe, en l’occurrence cavalier : Segalen attrape une messe comme il attrapait le tramway. Mais sa mère ne doit pas y prêter attention : elle est rassurée sur la pratique de son fils, c’est le principal.
Le 9 janvier 1899, il lui écrit : « En rentrant à l’École, je trouve une lettre de l’abbé Lelièvre. Il a reçu la tienne et me la communique. Il me demande comme un acte héroïque de communier Dimanche à la messe qu’il dira pour moi. » (C, I : 134) — à l’occasion de l’anniversaire de Segalen, qui eut vingt-et-un ans le 14 janvier. On se demande ce qui, en l’occurrence, relève de l’héroïsme, de la part d’un catholique pratiquant. Cette bizarrerie était sans doute due au fait que Segalen devait absorber quelque nourriture dès son lever : « Je lui réponds que je considère la chose comme un devoir tout à fait naturel et auquel du reste je suis habitué chaque année. » (C, I : 134). De fait, le 14 janvier 1899, après s’être confessé à l’aumônier de l’hôpital, il projette de communier le lendemain à « sa » messe (C, I : 135, à sa famille). Mais une péripétie lui arrive, qu’il avoue à sa mère :
J’avais pris toutes mes dispositions pour assister à la messe de l’abbé Lelièvre et y communier, mais une inadvertance ridicule m’a forcé d’ajourner cette dernière intention. Emporté par la force de l’habitude, et un peu ahuri par tout ce que j’avais à faire avant et après l’inspection pour pouvoir immédiatement quitter l’école, j’ai avalé très tranquillement un morceau de pain. Je m’en suis aperçu à l’inspection. Après la messe, je suis allé trouver l’abbé Lelièvre et lui ai raconté l’affaire. Je communierai Dimanche prochain. (C, I : 136, 16 janvier 1899).
Et le 19 janvier, il écrit à sa tante Louise, qui avait perdu son mari, âgé seulement de 48 ans, le 15 janvier 1890 :
J’étais bien heureux de pouvoir précisément communier au moment où des souvenirs plutôt douloureux devaient t’arriver en foule. Maman t’a raconté sans doute la mesquine aventure qui m’en a empêché. Crois bien que je vais bien vite la réparer et que mon intention sera doublée, pour les pauvres disparus, d’abord, pour ceux qui restent et qui souffrent, ensuite. (C, I : 137, à Louise Lossouarn, 19 janvier 1899).
Toute sa famille est donc très pieuse.
On constate combien Segalen est surveillé à distance. Non seulement il est obligé de détailler sa pratique religieuse, et de fréquenter l’abbé Lelièvre qui informe ses parents, mais si ses lettres ont du retard, sa mère lui envoie une dépêche[10]. Il doit donc constamment rendre des comptes, au propre comme au figuré (on comprend dès lors son attirance pour le lointain : la lettre du 5 juillet 1900 prouve qu’il aurait été tenté de partir en Chine ; ce départ ne se réalisera que neuf ans plus tard) ; cela ne l’empêche pas, tout en étant obéissant, de prendre ses distances vis-à-vis des mondanités à l’eau bénite : à propos d’une soirée dans la famille Daurel : « […] des discussions à perte de vue sur le Pape, le Cardinal Rampolla, l’abbé Gaspard[11], etc. Un menu bien plus intéressant par exemple que la conversation. » (C, I : 141, à ses parents, 27 janvier 1899). À une époque où l’on pensait déjà depuis plusieurs années Léon XIII en fin de vie (il ne mourra que le 20 juillet 1903) et le cardinal Rampolla son successeur quasi certain (le véto autrichien en décidera autrement), la chronique vaticanesque ne présente aucun intérêt pour l’étudiant en médecine[12]. Pour autant, il ne cesse de rassurer ses parents sur la sincérité de sa pratique (de foi, il n’est jamais question), qu’il s’agisse du choix d’un confesseur, ou de l’aide qu’il apporte à une étudiante en médecine qui souhaite connaître l’histoire sainte. Il leur écrit le 30 janvier 1899 :
Demain, je vais voir la Supérieure de l’hôpital, ainsi que mon confesseur, l’abbé Balestard, aumônier de l’hôpital, car je n’ai jamais pu concilier en qui que ce soit l’ami et le confesseur ; je ne me suis jamais confessé au P. Lefloch, et j’hésitais à le faire à l’abbé Lelièvre. Je suis heureux de mon choix, dans lequel m’avait du reste aidé la Supérieure. Il est à l’hôpital tous les matins et rien n’est plus facile que de passer chez lui. Ce qu’il faudra que je trouve, c’est un moyen de communier la semaine. C’est une médiocre préparation en effet que d’avoir passé sa nuit au bal, et comme c’est en général le Samedi que la chose arrive, je ne me vois pas sortir d’un cotillon pour entrer à l’église.
« Pourtant au fond », ajoute-t-il en détachant cette phrase, « on devrait pouvoir le faire » — il souligne cette incise—, « c’est ce que je me suis toujours dit. » (C, I : 144, à sa mère). Ce soulignement signifie : il faut avoir quelque chose à confesser : plus on pèche, plus le Christ sauve. Ce raisonnement moralement intenable a souvent été défendu, par des êtres réels, ou fictifs — je pense au personnage du religieux violeur, assassin d’un enfant, et laissant condamner un innocent à sa place, le frère Gorgias, dans Vérité, le dernier roman de Zola (1840-1902), que celui-ci écrit au moment où Segalen achève son séjour à Bordeaux. Quant à sa catéchèse, elle est fortuite, mais il ne la refuse pas, et poursuit même sa mission auprès d’une étudiante en médecine :
La sœur supérieure de l’hôpital s’est mis en tête de faire faire sa première communion à Mlle Déga, élevée plutôt laïquement par sa mère, et malgré tout foncièrement religieuse. La pauvre petite a été arrêtée dès les premières pages du catéchisme par leur simplicité même. Elle m’a demandé à achever sa lecture, et voilà comment je suis passé catéchiste.
Quand nous aurons fini je lui ferai faire connaissance avec l’Imitation, beaucoup plus attrayante pour un esprit à la fois mystique et intellectuel. Le catéchisme doit s’apprendre en même temps que l’alphabet, s’incruster dès les premiers éveils de l’intelligence ; en un mot, il demande beaucoup [plus] à être su, que compris. Pour cela, il faut une foi d’enfant. Et c’est peut-être ce qui s’acquiert le moins.).
J’espère le lui avoir fait comprendre. Elle m’a promis de laisser pour un moment de côté toutes ses notions de philosophie scientifique qui n’auraient fait que tout embrouiller. Avant d’analyser ses croyances, de les affermir par la réflexion, il faut au moins en avoir. » (C, I : 150, à sa mère, 10 février 1899).
Les lettres du début du mois de mai indiquent qu’il a commencé la lecture d’En route, de Huysmans. Il en rend compte avec enthousiasme à Émile Magne, puis à sa mère, qui peut croire en l’orthodoxie de l’ancien naturaliste, d’après ce que lui en dit son fils, rapportant les propos de l’écrivain : « La musique de Gounod c’est de la “mystique égrillarde”’ — Pan ! » (C, I : 184, à sa mère, 13 mai 1899). Le jeune homme souffre, précisément, en écoutant les voix aigrelettes de jeunes filles chantant du Gounod, lors d’une fête organisée quelques jours plus tard par l’abbé Lelièvre[13]. Huysmans, écrit encore Segalen, « assimile une église pleine à une immense croix vivante et grouillante, la foule, entrée par les portes figurant les plaies, et se “moulant dans ce moule crucial de l’Église”. C’est étonnant d’images. » (C, I : 195, à ses parents, 6 juin 1899). Le futur oblat vient de s’installer près de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé. Le 20 juillet, Segalen écrit à son père qu’il sera bientôt présenté par l’abbé Lelièvre à un moine venu de l’abbaye bénédictine de Solesmes, de passage à Bordeaux, « et ayant travaillé avec l’étonnant Huysmans à ses derniers ouvrages. C’est pour moi, à bien des points de vue, une occasion que je ne vais pas laisser perdre. » (C, I : 213). Quatre jours plus tard, c’est à sa mère que Segalen raconte son entrevue avec dom Thomasson de Gournay, qu’il avait demandé à rencontrer. Leur entretien a duré très longtemps : le matin de 9 h à midi, puis l’après-midi de une heure à six heures. « Je serais aussi bien resté jusqu’à minuit. » L’homme lui paraît « idéalement érudit et sensitif. […] Puis, il a collaboré avec Huysmans à son dernier ouvrage, et ce n’était pas le moindre attrait. ». Le lendemain après-midi, il le revoit, passant chez lui au moment où il lui écrivait « une lettre reprenant un point de notre entretien, me demandant un avis médical sur un point d’exorcisme avec une grande simplicité, achevant sa lettre par une merveille de perspicacité et d’affection. » (C, I : 215, à sa mère, 24 juillet 1899). Dom Thomasson l’a « chaudement invité à passer par Solesmes » au début des vacances, et Segalen en demande la permission à sa mère. Une semaine plus tard, il est à Ligugé, rencontre Huysmans et laisse de ce moment un récit détaillé, ne cachant pas que le « but de [s]a visite » est de voir l’écrivain. Par coïncidence, le jeune homme y retrouve Alexandre Ély-Labastire, le fils d’un négociant brestois, devenu le Père Ély, qui le présente au confesseur de Huysmans. Segalen assiste aux vêpres à côté de celui-ci « qui, ne manquant pas un office, fait l’édification du pays ». Puis vient le temps des présentations :
À la sortie de l’abbatiale […], l’excellent père agrippe Huysmans, déjà prévenu du reste par le P. Thomasson. Je trouve un homme de taille moyenne, très simple, très parisien, un peu voûté, qui m’emmène chez lui, dans une petite villa en pierre blanche, à demi-finie, me garde deux heures et vient me reconduire au monastère, après, naturellement, un entretien comme on peut en attendre de l’auteur de La Cathédrale.
Le lendemain, il reste et le revoit :
Et ce matin, après la grand’messe pendant laquelle j’ai travaillé le mieux possible les neumes grégoriens, quoique inférieurs de beaucoup à l’exécution de Solesmes, Huysmans m’a repris, emmené à la campagne, par les bois. C’était exquis. Il m’a invité à recommencer demain, car il m’a été impossible, comme je le comptais, de partir si vite. (C, I : 219, à sa mère, 1er août 1899)
À noter qu’il ne dit rien des conversations avec le naturaliste converti. L’essentiel semble avoir été de le rencontrer ; il écrira par la suite l’avoir « bien connu », mais les relations entre eux sont restées superficielles ; Segalen a surtout commenté le personnage de Des Esseintes dans sa thèse Les Cliniciens ès-lettres.
Au début du mois de novembre 1900, il va voir Dom Thomasson à Solesmes et communie à sa messe (voir C, I : 302, à sa mère, 3 novembre 1900). Le 6 novembre, il écrit à Huysmans pour l’informer de ces deux jours passés à l’abbaye bénédictine mais aussi du départ du P. Thomasson pour Marseille, le remercier des deux entretiens accordés à Ligugé, et lui témoigner son admiration. On décèle dans plusieurs phrases l’intention, par le choix d’un style mimétique, de plaire au destinataire, à commencer par la première, qui contient l’adjectif « lénitif »[14] : « J’arrive de Solesmes, Monsieur, où j’ai passé deux jours de lénitive et fructueuse intimité avec le R. P. Thomasson. » (C, I : 303)[15]. Huysmans ne semble pas avoir répondu à cette lettre, qui s’achevait sur « de sincères et particulières actions de grâce » (C, I : 304).
Il conserve des relations épistolaires avec Dom Thomasson, même si, jusqu’à présent, on n’a retrouvé qu’un brouillon de lettre daté du 5 janvier 1900 (voir C, I : 238). Il s’agit d’une lettre importante, dans laquelle Segalen avoue son impossibilité à établir un lien entre les évangiles et la Genèse. Il se préoccupe donc d’un point essentiel. Il y cite aussi Péladan et Hello, confirmant son attirance pour les auteurs mystico-décadents. Le moine bénédictin lui donnera raison, dans une lettre datée du 19 février, fort dure à l’endroit de l’Ancien Testament, ou, pour s’exprimer autrement, foncièrement antisémite[16].
Ces pieuses visites, et l’abondance de prêtres évoqués dans une même lettre (par exemple celle du 8 janvier 1900, voir C, I : 241, à sa mère), devraient rassurer Ambroisine Segalen ; il n’en est rien. Comme pourvue d’un sixième sens, elle pressent le danger, même dans les intérêts a priori les moins menaçants de son fils. Ainsi, dans cette même courte lettre du 8 janvier où il cite le nom de quatre Pères, il l’informe avec enthousiasme de sa rencontre avec « le jeune directeur de l’École française d’archéologie à Thèbes » ; elle s’inquiète immédiatement, ce qui suscite chez son fils un agacement contenu mais perceptible jusque dans la tournure par laquelle il commence sa lettre suivante, « Ma chère petite Maman », tournure qu’employait aussi Romain Rolland (1867-1944) quand, dix ans auparavant, il était élève à l’École française de Rome (il ne se brouilla jamais avec sa pieuse et terrible mère, mais la rappela souvent à l’ordre). Tout au long du premier paragraphe, les rôles s’inversent, et le fils fait la leçon à sa mère :
Il serait bien fragile, à t’en croire, cet acte de Foi Catholique pour lequel tu sembles tant craindre la comparaison avec d’autres croyances éteintes, d’autres Religions mortes ? Il me semble qu’au contraire il ne doit pas avoir peur de la lumière et des analogies. C’est le déprécier que d’essayer de l’envelopper d’un voile intangible, et de frémir à l’idée de similitudes possibles avec d’autres pratiques et d’autres credos. » (C, I : 242, 12 janvier 1900).
Et il lui précise que « c’est surtout en tant qu’art et symbolique » que « ces vieilles civilisations [l]’attirent. »
Le danger n’est pas dans le changement de culte religieux du fils, mais dans la liaison régulière qu’il a commencé à entretenir avec Xavière Lonca, dite Savéria, fille d’un fonctionnaire des Douanes[17]. Il n’en dit mot, mais l’inquisition maternelle, qui s’était déjà exercée dans le domaine amoureux et avait occasionné les premiers accès neurasthéniques du jeune homme, fonctionnera si bien qu’en 1901, non seulement celui-ci rompra, mais, encore plus péniblement, se sentira comme tenu de relater à sa mère à la fois les réactions des prêtres mis dans la confidence (parmi lesquels Dom Thomasson), mais aussi les progrès de son indifférence à l’égard de la jeune femme.
Pour l’heure, les lettres du début de l’année 1900 témoignent d’un agacement que Segalen peine à dissimuler. Les sarcasmes voilent une irritation qui finira, bien plus tard, par provoquer une rupture totale avec sa mère. Pour le moment, il s’en tient encore à un ton désinvolte, provocateur, à l’insolence feutrée :
L’abbé Lelièvre a donc dit la messe pour moi, le 14, Dimanche. J’y assistais, par un prodige de débrouillage, de tramways, etc., accolyté de Varenne et Mignard. Impossible d’y communier, le concert de la soirée ayant dégénéré en soirée à chocolat. Communie demain à l’hôpital où je continue à être au mieux avec l’élément liturgique, entre autres la sœur qui est préposée par la supérieure à notre sur-déjeuner du matin. Nous nous racontons réciproquement des histoires édifiantes, à la grande sanctification de Varenne, mon co-déjeunateur. (C, I : 245, à sa mère, 16 janvier 1900).
Quand on compare cette lettre avec celle qu’il a adressée quelques jours auparavant à sa sœur, on s’aperçoit que l’ironie vis-à-vis du catholicisme, bien réelle, ne s’accompagnait d’aucune attaque larvée[18]. Il réserve donc à sa mère une agressivité mêlée de dérision. Le 22 février 1900, s’apprêtant à retourner à Ligugé, il précise : « mes occupations seront plutôt édifiantes », et parle d’un « anniversaire sanctifiant s’il en fût » (C, I : 255, à sa mère) : il lui écrit à la fois la vérité (son bref séjour à l’abbaye est réel), et ce qu’elle veut lire (l’adjectif « sanctifiant », derrière lequel on peut imaginer un Segalen à la fois moqueur et las). On lit encore, dans la lettre du 1er mars 1900, où il relate son bref retour à Ligugé : « J’ai [passé] un édifiant Mercredi des Cendres. […] J’ai bien prié pour vous à Poitiers et à Ligugé. C’est beaucoup plus commode qu’à Bordeaux. » (C, I : 256-7, à sa mère).
On le sent garrotté, étouffé ; d’autant plus qu’il dépend financièrement de sa famille ; quand il évoque dans cette même lettre Santé Navale en employant une métaphore carcérale : « À 9 h j’étais réintégré en la bordelaise prison. Avant de m’encelluler […] » (C, I : 257), on peut lire dans cette image à la fois un déplacement (faute de pouvoir décrire comme telle la surveillance brestoise dont il fait l’objet) et un redoublement (il se sent à la fois prisonnier de sa famille et de son École) qui expliquera son choix de destinations lointaines. Il faudrait faire une étude stylistique de cette lettre où se croisent ironie, parodie de l’onction ecclésiastique (avec effet d’écho interne : « À 2 h je quittais la sainte demeure »), et longue et prosaïque liste de comptes dont la présence produit une dissonance et crée un effet comique. Comique[19] et terrible également, le commentaire écrit de Mme Segalen à propos des 76 centimes de tramway, somme qui semble pourtant modeste : « Me laissent rêveuse ».
J’ai cité le nom de Vincent Kaufmann tout à l’heure ; quelques lignes de son essai L’Équivoque épistolaire s’appliquent parfaitement aux lettres de Bordeaux :
Il y a au cœur du geste épistolaire, une fondamentale équivoque, que les écrivains ont souvent exploitée. La lettre favorise, dit-on la communication et la proximité ; mais elle peut aussi disqualifier toute forme de partage et produire une distance, un éloignement, nécessaires à l’avènement de l’œuvre. (Kaufmann 1990 : 8).
Tout en protestant de la régularité de sa pratique et des liens qu’il conserve avec le monde ecclésiastique, Segalen, à Santé Navale, s’éloigne de ce monde. La vie hors de Brest n’est pas seulement le prélude à celle qu’il mènera beaucoup plus loin, hors de France ; elle est aussi, malgré toutes les dénégations adressées à ses parents, une sortie du catholicisme.
Comme Rimbaud, lui aussi étouffé par une mère très pratiquante, Segalen ne peut se contenter de la tiédeur et des compromis offerts par le catholicisme de son temps. Il l’écrira dans la préface de ses Odes, il veut révéler par la poésie un « Lieu supérieur » investi par « quelque chose d’infiniment AUTRE » (OC, II : 598) — l’altérité étant la caractéristique du Divers et l’infiniment autre son expression maximale. L’ultime forme du Divers, c’est ce « divers divinisé » que Segalen nommera vers la fin de sa vie, dans une note du 3 juin 1916 de l’Essai sur l’Exotisme « l’Inhumain », en précisant qu’il n’est pas « le divin », qu’il est encore moins réductible à « un dieu », et qu’on ne doit pas non plus le « confondre avec l’Absolu » (OC, I : 773) : une mystérieuse transcendance, donc, toujours poursuivie, mais à jamais hors d’atteinte.
C : Segalen, Victor, Correspondance, Paris, Fayard, présentée par Henry Bouillier, texte établi et annoté par Annie Joly-Segalen, Dominique Lelong et Philippe Postel, 3 tomes, 2004.
Kaufmann 1990 : Vincent Kaufmann, L’Équivoque épistolaire, Paris, Les Éditions de Minuit, « Critique », 1990.
OC : Victor Segalen, Œuvres Complètes, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2 tomes, 1995.
Rimbaud 1985 : Arthur Rimbaud, Poésies, Une saison en enfer, Illuminations, préface de René Char, édition établie par Louis Forestier, Paris, Poésie/Gallimard, 1985.
Sophie Guermès, ancienne élève de l’ENS-Ulm, agrégée de lettres classiques, est professeur de littérature à l’université de Brest et directrice du CECJI (Centre d’étude des correspondances et journaux intimes – EA 7289) Elle a publié plusieurs livres, ainsi que des ouvrages collectifs et de nombreux articles, sur la poésie et le roman des XIXe et XXe siècles.
« Rythme et mystérieux dans la poésie de Victor Segalen », dans Philippe Postel (dir.), Segalen : le rythme et le souffle, Nantes, Pleins feux, « Horizons comparatistes », 2002, p. 51- 62.
La Fable documentaire : Zola historien, Champion, « Romantisme et modernités », n° 174, janvier 2017.
Yves Bonnefoy. Derniers textes (2010-2016) (dir.), Brest, Cahiers du CECJI, 2019.
« La poésie, lieu de rencontre entre les cultures », dans Viviane Devriésère et Marina Geat (dir.), L’Interculturel : quels défis et problématiques aux niveaux européen et international ?, Rome, Roma Tre-Press, « Le ragioni di Erasmus » ? 2020, p. 217-30.
Correspondances, philosophie, religion et arts (dir.), Brest, Cahiers du CECJI, avril 2021 [Actes du séminaire du CECJI 2013-2016].
[1] Voir notamment « Sur un hôte douteux », « Vision pieuse », « Éloge d’une vierge occidentale », « Les Gens de Mani », « Hommage à la raison », « Religion lumineuse », « Retombée ».
[2] Segalen joue sur l’ambiguïté car il nomme Bouddha mais parle de Jésus (« Il revient le Sauveur des hommes »).
[3] Il n’épargne au lecteur aucun détail, évoquant même l’odeur, ce qui lui permet au passage de tourner en dérision l’« odeur de sainteté ». Le vocabulaire est violent, dicté par l’indignation et la volonté de convaincre. La « chute » de l’anecdote, dans sa brièveté (procédé peut-être repris aux Stèles), exprime tout le mépris de Segalen pour l’évêque qui continue de tromper les plus crédules.
[4] L’abbé « envoyait des “lettres-rapports” aux parents de Victor Segalen. Aucune d’elles n’a été conservée. » (C, I : 87, note 1). L’étudiant écrit à son père, le 27 octobre 1898 : « L’abbé Lelièvre attendait avec impatience pour pouvoir répondre à ta lettre : il a cherché en vain ton adresse. » (C, I : 96).
[5] Du milieu du XIXe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle, les « boulevards » ceinturant la ville étaient bordés de très vastes maisons bourgeoises, dont la plupart ont été à présent transformées en appartements.
[6] Cf. la lettre à sa mère du 9 novembre 1899 : « Je me rends demain soir chez l’abbé Lelièvre. Il va me parler DEUX HEURES de conversations qu’il aura eues avec le directeur ; de son intimité avec quelque grande FAMMMILLE ! et des avantages pécuniaires et autres de la bonne conduite. » (C, I : 227).
[7] Leurs relations s’espacent par la suite, tout en restant régulières. Segalen écrit à sa mère, le 6 mars 1899 : « Je vois l’abbé Lelièvre à peu près tous les quinze jours. Quand il y a plus longtemps, je lui écris. » (C, I : 161).
[8] Il veille aussi à ce que son protégé soit bien vu : « Sur les conseils de l’abbé Lelièvre, je suis allé hier remercier le directeur de la faveur extraordinaire qu’il m’avait faite en m’autorisant à déjeuner, en semaine, hors de l’école. Il a paru très sensible à ma démarche. » La suite de cette lettre à sa mère montre que Segalen n’était pas unanimement apprécié de ses camarades d’étude, et qu’en retour il n’aimait pas ses ennemis : « D’aucuns, devant cette bienveillance que je n’ai certes rien fait pour mériter, rien qu’être à peu près corrects envers l’administration, se pâment de jalousie. Qu’ils en crèvent, c’est tout ce que je leur souhaite. » Il ajoute d’autre part que « l’abbé Lelièvre est abominé de la bonne moitié de l’école. On lui reproche un ascendant supposé sur le directeur et le sous-directeur. Cela se passe surtout en 3e année. Pour ma part on m’a parfaitement et toujours laissé tranquille. Ainsi glissent sur moi ces mesquineries. » (C, I : 197, 8 juin 1899).
[9] La première promotion de navalais date de 1890. Les bâtiments situés près de la gare Saint-Jean, existaient déjà : c’étaient ceux d’un hôpital psychiatrique transféré dans un autre quartier de Bordeaux. Un bâtiment supplémentaire fut construit en 1897.
[10] Voir notamment la lettre du 20 janvier 1900, dont l’humour dissimule à peine l’irritation (C, I : 246, à sa mère). Et celle du 22 février 1900, où il s’apprête à partir pour Ligugé : « Je ne puis promettre une dépêche à mon retour : à 9 h les bureaux doivent être fermés, peut-être ceux de la gare fonctionnent-ils encore. En tout cas le Jeudi matin je n’y manquerai pas. » (C, I : 255, à sa mère).
[11] Il s’agit vraisemblablement de l’abbé Gaspard Deguerry, même si son tragique décès était déjà ancien (curé de la Madeleine, il avait été fusillé par des Communards le 24 mai 1871).
[12] Voir encore les lettres du 18 puis du 27 février 1899 : « Pour le Carême, on nous affiche une Messe spéciale suivie d’une “courte” conférence, dit le prospectus, tous les Dimanches à 10h ¼. Je tâcherai d’y assister le plus souvent possible. » (C, I : 155, à sa mère). « J’ai donc vu l’abbé Lelièvre Jeudi dernier. Je suis retourné Dimanche matin pour lui demander l’adresse de notre messe spéciale. Un seul reproche au Conférencier : déraille peut-être un peu trop dans le genre sermon, je préfèrerais le voir serrer de plus près la Conférence. » (C, I : 157, à son père).
[13] « La messe commence. Irruption de trois jeunes filles en robes genre “fait-ses-robes-elle-même”, frais échappées du Sacré-Cœur, en sont les filles directoriales. Avec des voix de mélasse elles chantent du Gounod. J’envoie ma berceuse qui roule comme une canette. Et des ô sâlutâris, et des Cieux qui visitent la têêrrrrre… Ô Solesmes, et toi, austère plain-chant, aux plis rigides et majestueux aux sonorités de granit ! voilez-vous ce qui vous sert de face. » (C, I : 195, à ses parents, 6 juin 1899).
[14] Celui-ci était rare ; Huysmans l’a employé plusieurs fois.
[15] Dans la lettre du 8 novembre adressée à ses parents, il écrit que c’est le Père Thomasson qui lui a conseillé d’envoyer cette lettre à Huysmans (voir C, I : 305).
[16] Voir la lettre de Dom Thomasson du 19 février 1900, conservée dans le fonds Victor Segalen de la BnF, et dont un extrait est cité dans la Correspondance (voir C, I : 239, note 2).
[17] Les informations sur cette jeune femme sont données dans la note 1 de la lettre du 4 août 1900 (C, I : 293).
[18] « J’arrive aux souhaits annuels. Tu n’es pas dégoûtée de me souhaiter notre céleste réunion ! Ce n’est sûrement pas moi qui manquerai au paradisiaque rendez-vous. Tous mes confesseurs sont d’accord pour m’attribuer des vertus de saint, des qualités d’archange, des attributions de Dominations, et je crois même, en bien me regardant dans une glace, voir apparaître derrière mon crâne l’auréole des Élus. Tu vois donc que ce sont des félicitations sur ma perfection, non des souhaits qu’il serait juste de me présenter. » (C, I : 239, à Jeanne, 6 janvier 1900).
[19] Voir l’article de Marie Dollé, dans ce même volume.