Victor Segalen semble avoir vécu plusieurs vies en une seule, pourtant restreinte à quelques décennies. Médecin de marine prêt à quitter pour de longues périodes sa Bretagne natale, écrivain puisant dans les pays lointains et les temps anciens l’inspiration d’œuvres novatrices, archéologue estimé de ses maîtres en sinologie, Victor Segalen a laissé une œuvre abondante dont la richesse a franchi le siècle passé pour rejoindre les lecteurs d’aujourd’hui… voir plus
Pourquoi pas un film sur Victor Segalen ? Telle est la proposition de l’écrivain Stéphane Padovani dans son livre paru en 2024 que son éditeur rennais Mané Huily présente ainsi :
« L’homme dont il va être question ici est jeune en un jeune siècle. C’est Victor Segalen, écrivain singulier, épris de voyages, de liberté, de beauté surtout, qui a brûlé sa vie aussi intensément que ses grands modèles. Alors pourquoi ne pas en faire un film ? Pourquoi ne pas s’abandonner à cette hypothèse, cette énigme, en écrire le vagabondage ? C’est le défi que s’est lancé Stéphane Padovani, auteur cinéphile et lecteur passionné. »
Stéphane Padovani, Victor Segalen, un rëve de film,
Mané Huily, « Vagabondage », 2024.
Caroline Stein, De Chimères en licornes, éd. Filigranes, 2025
« A travers l’œuvre poétique et une partie du corpus photographique de Victor Segalen, cet essai se propose d’appréhender les liens entre l’auteur breton peu connu et des artistes contemporains.
L’écrivain-voyageur Segalen a été un explorateur chinois émérite, renouvelant les genres littéraires et inspirant des photographes tels Thierry Girard ou Bertrand Meunier. Sa modernité d’approche résonne aussi avec les images de Jacques Borgetto et les recherches visuelles de Vasantha
Yogananthan au cœur desquelles nous cheminerons. Ici, parler de photographie, c’est une sorte de voyage dans le temps et dans l’espace. Ici, s’ouvrent les imaginaires pour des moments mystérieux de rencontre entre un désir et des ailleurs. »
Exposition en hommage à Victor Segalen, du 19 septembre au 19 octobre 2024, salle des Abords, Faculté des Lettres et Sciences humaines Victor Segalen, Brest.
Catherine Denis, artiste peintre et calligraphe contemporaine, a travaillé avec Huang Bei, professeur à l’université de Fudan à Shangaï, éminente spécialiste de l’œuvre de Victor Segalen.
Les visiteurs de l’exposition ont pu découvrir une partie de l’œuvre de Catherine Denis : 18 rouleaux verticaux inspirés du poème « Cité violette Interdite » de Victor Segalen (Stèles, 1912).
L’artiste présente ses créations ainsi :
« N’est-ce pas le plus menu des gestes et le plus secret du coeur que le pinceau livre ? ». Cette phrase de Victor Segalen dans son livre Le Fils du Ciel m’avait, et c’était il y a quelques années seulement, profondément réconfortée ! Ce qu’il exprimait là, je l’avais compris de mon étude de la calligraphie
chinoise, à Taïwan d’abord, puis en Chine (Hangzhou). C’est ce que j’ai voulu transmettre dans mon enseignement sur presque trente ans et c’est ce que je continue à vivre dans mes créations. […].
Victor Segalen avait vraiment compris ce qu’était l’art chinois, de l’écriture au pinceau […]. « Être allée du caractère chinois à la lettre occidentale » pourrait peut-être résumer ma démarche artistique. Il s’agit plus précisément d’avoir pu, grâce à ma connaissance de la calligraphie chinoise,
donner du caractère (un autre caractère) à nos lettres latines ! […] J’ai toujours pensé que la calligraphie chinoise était une musique qui se voit, « une musique muette » (wu sheng zhi yin 无声之音), comme l’exprimait déjà le théoricien Zhang Huaiguan au VIII e siècl
.
Pour les 30 ans de la Faculté des Lettres et Sciences humaines Victor Segalen, à Brest, le groupe La Souris Noire a donné le 17 octobre 2024 un concert « sur mesure » de très grande qualité.
Sous le titre « Sur les pas de Segalen », la formation a offert au public des chansons de leur répertoire original ou celles d’auteurs consacrés (Brel, Brassens, Mouloudji, etc.), en lien et illustration de l’œuvre et la vie de Segalen, de Brest à Huelgoat.
La lecture de textes de Victor Segalen ou d’écrits arrangés inspirés de l’œuvre de Segalen, la projection de photographies d'archives et le programme de chants interprétés par les artistes, chacun dans un rôle spécifique, ont permis de découvrir ou de retrouver Victor Segalen, écrivain aux multiples facettes, fasciné par des sociétés et cultures alors peu connues en Europe. Le groupe a montré combien il savait s’approprier un sujet difficile, donner du sens aux recherches qu’il avait effectuées en amont et offrir à chacun, par la mise en valeur de différents modes d’expressions artistiques coordonnées, l’envie d’en savoir plus sur l’œuvre et la vie de Victor Segalen.
Avec Marie Pellerin (chant), Bernard Hugues (contrebasse), Éric Pellerin (clavier) et Yves Briens (comédien).
Organisée par Jacques Pouyaux, psychologue exerçant à l’Université de Bordeaux, cette exposition prend appui sur Stèles pour structurer un parcours sensible autour de la découverte de soi. Au cours de la visite, on peut lire quelques citations de lecteurs de Segalen (François Cheng, Yann Queffelec), des citations de ses œuvres et des calligraphies de Maaya Wakasugi. Un court documentaire met en scène le calligraphe en action. Certaines vitrines comportent des objets hérités de l’École de médecine qui servaient probablement à sensibiliser les futurs médecins de la marine aux pays qu’ils allaient découvrir. Une vitrine propose aux visiteurs d’exposer leurs propres objets.
L’œuvre de Segalen sert ici de repère en jouant sur la fascination qu’exercent les poèmes de Stèles. L’exposition fait appel au mythe du voyageur allant à la rencontre de soi en terre inconnue, teintée d’un peu de psychologie de bien-être. On pourrait regretter que l’œuvre de Segalen soit ramenée à ce jeu s’il ne faisait partie de l’influence exercée au fil du temps par l’auteur et son œuvre ; cette exposition permet néanmoins aux visiteurs de les rencontrer à partir de cette entrée pour le moins surprenante.
Exposition au Musée d’Ethnographie de l’Université de Bordeaux jusqu’au 30 mai 2025