La revue Littérature a publié dans son numéro de juin 2023 un dossier consacré à Victor Segalen qui
comprend une introduction et huit articles. Si quatre articles portent sur des œuvres bien connues
comme René Leys, ce roman inclassable qui n’en finit pas de susciter questionnements et admiration
(Sophie Labatut, « René Leys ou l’art du faux (essai) » ; Philippe Postel, « La pensée du roman dansRené Leys » ; Valérie Bucheli, « ‘Vrais Exotes’ contre ‘Faux Explorateurs’ : individualité, ironie et auto-ironie dans René Leys et l’Essai sur l’exotisme »), et ce curieux récit de voyage qu’est Equipée (Jean-Luc Steinetz, « Suppléments migratoires »), d’autres s’intéressent à des œuvres peu abordées car laissées inachevées comme le recueil Imaginaires (Antoine Piantoni, « Dans le creuset des Imaginaires de Victor Segalen ») et le dossier Sites (Christian Doumet, « Approche d’un site »). Enfin, deux articles révèlent des aspects singuliers de l’activité de Segalen comme son travail de traducteur de la poésie chinoise («Adrien Cavallaro, « Segalen, honneste traducteur ») et son rapport à la nature (Noël Cordonier, « Segalen et la nature. Derrière le paysage, les ‘remous pleins d’ivresse du grand fleuve Diversité’ »).
Mois : janvier 2024
Sur les traces de Victor Segalen à Brest
- Auteur de l’article Par Philippe Postel
- Date de l’article 15/01/2024
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Sur les traces de Victor Segalen à Brest
Le 16 septembre 2023, l’association « Segalen de Brest », fondée en 2017 en partenariat avec la
faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Bretagne Occidentale qui porte le nom de
Segalen http://www.segalendebrest.infini.fr/, a organisé, dans le cadre des Journées du Patrimoine,
une promenade « sur les traces brestoises de Victor Segalen ». Cette visite a réuni une vingtaine de
personnes qui ont pu découvrir les divers aspects de la vie de Segalen grâce aux commentaires
fournis de la guide-conférencière Danielle Déniel, qu’ont complétés des commentaires historiques
sur Brest fournis par Gilbert Ellëouet. Partie de la maison natale de Segalen, 17 rue Massillon, dans le quartier de Saint Martin qui a été épargné par les bombardements lors de la Seconde guerre
mondiale, la promenade a suivi le chemin qu’empruntait le jeune Victor pour se rendre au Collège du Bon Secours en passant par la rue de Paris, devenue la rue Jean Jaurès riche de ses belles demeures Art Nouveau. Le parcours a conduit finalement au cours Dajot qui domine le port et où se trouve, près de la Cité d’Antin (aujourd’hui disparue) où a vécu l’écrivain entre 1914 et 1919, un jardin baptisé Victor Segalen avec une stèle qui l’honore (voir photo). Plusieurs membres du Bureau de l’ « Association Victor Segalen », Colette Camelin (Présidente), Dominique Gournay (Secrétaire) et Muriel Détrie (Trésorière), ont fait le voyage à Brest à cette occasion, ce qui leur a permis de
rencontrer certains des membres de l’association « Segalen de Brest » (outre Danielle Déniel, étaient
présentes notamment Marie-Armelle Barbier-Ledéroff, Vice-Présidente, et Sophie Gondolle,
Secrétaire) qui les ont chaleureusement accueillies, d’échanger sur leurs activités respectives et
d’envisager de futures collaborations. Colette Camelin a par ailleurs rencontré David Jousset,
Président de l’association « Segalen de Brest » et doyen de la Faculté Victor Segalen en vue
d’organiser des projets communs.
Victor Segalen : la connaissance de l’Est, sous la direction de : Adrien Cavallaro, Christian
Doumet et Andrea Schellino, Paris, Hermann, 2023, 286 pages
Poète, écrivain, voyageur, archéologue et médecin de marine, Victor Segalen (1878-1919) est l’un
des témoins majeurs du tropisme extrême-oriental qui traverse la littérature française au début du
XXe siècle. Sa poésie, ses textes romanesques, ses récits de voyage disent à quel point l’empire
chinois finissant fut pour lui une source d’inspiration. Mais de quel Orient nous parle Segalen, et
qu’allait-il y chercher ? Quelle est la nature profonde de cette connaissance de l’Est que, dans le
sillage de Paul Claudel, il semblait si soucieux d’approfondir ? Des sinologues, des critiques, des
lecteurs, tous attachés par un lien fort à l’un des aspects de son œuvre, tentent ici de répondre à
ces questions.
Avec les contributions de : Thomas Augais, Adrien Cavallaro, Christian Doumet, Charles
Forsdick, Sophie Guermès, Bei Huang, Serge Linarès, Rémi Mathieu, Philippe Postel, JeanFrançois Puff, Andrea Schellino, Samuel Thévoz, Zilong Zhao.
Un poème de Segalen parmi les « 101 plus belles poésies françaises » du magazine Lire
- Auteur de l’article Par Philippe Postel
- Date de l’article 13/01/2024
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Un poème de Segalen parmi « les plus belles poésies françaises »
Pour accompagner la manifestation « Le Printemps des Poètes » (du 11 au 27 mars 2023), le
magazine littéraire Lire a publié un Hors-série intitulé « Les plus belles poésies françaises » du
Moyen-âge à aujourd’hui. Parmi les « 101 textes essentiels » retenus, on est heureux d’y trouver un
poème de Victor Segalen, « Supplique ». Toutefois, cette satisfaction à voir Segalen reconnu comme
un nom important de la poésie de langue française est quelque peu gâchée par la présentation qui
en est faite : « Médecin, écrivain voyageur et séducteur patenté, Victor Segalen s’adresse ici à une
jeune fille d’Europe ou d’ailleurs, avec une hauteur mythologique dans laquelle il n’est pas interdit de
déceler un brin de machisme » (p. 75). Outre que faire de Segalen un « séducteur patenté » est pour
le moins curieux, voir dans son poème « Supplique » un « brin de machisme » est un contresens
complet : bien loin d’y affirmer la suprématie de l’homme sur la femme et de réduire celle-ci à une
apparence comme pourrait le laisser croire une lecture au premier degré du vers final, « Belle jeune
fille, tais-toi », écho ironique à l’expression « Sois belle et tais-toi », Segalen y fait l’éloge de la jeune
fille en tant que mystère qu’il la supplie de préserver. Ce poème situé dans la partie du recueil Stèles
(1914) qui est consacrée à l’amour (« Stèles orientées ») ne prend tout son sens que rapporté à la
réflexion sur l’exotisme conçu comme une « esthétique du Divers » qu’il a illustrée dans toute son
œuvre : comme il y a un exotisme dans l’espace et un exotisme dans le temps, il existe pour Segalen
un exotisme de la femme pour l’homme (et vice versa) et comme il l’a écrit dans une lettre à son ami
Henry Mancheron du 23 septembre 1911 : « la jeune fille est distante de nous à l’extrême, donc
précieuse incomparablement à tous les fervents du divers ». Il est par ailleurs regrettable que la
source du poème de Segalen (comme de tous les autres poèmes de ce Hors-série de Lire) ne soit pas
donnée, et que sa forme d’origine (avec le cadre noir qui l’entoure, son épigraphe en caractères
chinois qui crée l’illusion d’une source étrangère et le petit rond qui matérialise sa structure bipartite)
ne soit pas respectée. Bref, si c’est honorer Segalen que de le compter parmi les auteurs des « 101
plus belles poésies françaises », le choix du poème « Supplique », avec la présentation et
l’interprétation qui en sont faites, ne saurait contribuer à le faire apprécier pour ce qu’il a toujours
voulu être : le chantre du Divers.
Muriel Détrie et Frédérique Oget